Le drôle de 31: épisode 2

Publié le par Ariabat

Il ne bouge toujours pas. Il est stupéfait ! L’angoisse paralyse son corps. Les douleurs de sa tête et de la claque que l’homme vient de lui donner dans le dos raisonnent dans tous ses membres. Comme une statue de cire du musée Grévin il reste droit. Devant lui un spectacle époustouflant se déroule. Il ne reconnait presque pas l’endroit. Pourtant il  vient régulièrement. Les magasins ont disparus. Les néons aussi. Devant lui la place Blanche est méconnaissable. Plus de Monoprix. Plus de Buffalo Grill. L’ambiance qu’il connait de cette endroit s’est envolée. Disparue. D’habitude il à toujours une appréhension ici. La peur de la violence. Pourtant il n’est pas fluet. Mais Blanche la nuit,  c’est parfois mal famé. Il est maintenant devant autre chose. Une ambiance nouvelle. Il ne connaît pas ça. Il ne bouge toujours pas. Le cheval qui lui fait face le regarde fixement. Il sent la peur. Il sent le trouble. Les rires voisins continuent. Les autres bruits aussi d’ailleurs. Il est comme dans une bulle. Il perçoit le son bien moins fort. Presque tamisé. Son regard se brouille. Il sent qu’il tremblote. Il voit flou désormais. Les larmes lui sont montées. Il n’arrive toujours pas à bouger.

 

Le cheval hennit. Ce bruit qui tout à l’heure lui a ait peur le sort de son sa paralysie. Il s’essuie le visage avec la manche de sa redingote. Regarde autour de lui. Un banc public en piteux état est à proximité. Il s’y assoit. Un tramway tiré par un cheval passe sur ce qu’il connaît pour être normalement un couloir de bus. Il le regarde avec étonnement. Il relève les yeux en direction du lampadaire central, qui meuble le rond point du milieu de la place. Il le scrute. La lumière y est toujours étrange. Elle est jaune. Le mat de fonte doit mesurer un peu plus de 3 mètres de haut. Pourtant le faisceau lumineux n’est pas très large. Il s’interroge. Emporté par sa réflexion il se lève. S’approche de la lanterne. Alors qu’il la regarde fixement la lumière semble baisser. Il fait un pas en arrière et heurte un homme. « Pardon, désolé monsieur ». L’homme le dévisage. « Dégage de la gamin il faut que je ravive cette lanterne ». L’homme ravive la lumière avec une grande perche. « La lumière là monsieur, c’est du feu ? » L’allumeur de lanterne le dévisage encore une fois. « Non, non c’est de l’eau ? Qu’est ce que tu veux que ce soit ? Idiot ! ». L’homme s’éloigne.

 

Seul au milieu de la place Blanche il s’appuie sur la lanterne. Il se rend compte qu’il n’est plus pris de panique comme tout à l’heure. Il regarde la place. Tout à l’air d’époque. Des costumes aux voitures. Des objets aux peintures publicitaires sur les murs. Il commence à douter. « Putain mais me dit pas que c’est ce que je crois ». La vie nocturne de ce quartier continue de suivre son court. Il est maintenant conscient depuis une heure. Il est 4h du matin. Le prochain métro devrait être dans une heure et demie. Enfin c’est ce qu’il croit. « Ouais mais elle est où la foutue bouche de métro ». La quête qu’il poursuit depuis son réveille reprend le dessus. Le surréalisme de ce qui l’entoure n’arrive pourtant pas à le dépasser. Il essaye de l’ignorer. Il doute même de ce qu’il voit. « Ça doit être un truc costumé au Moulin Rouge. Les ailes du moulin tournent toujours. L’activité y suit son cours. Une nuit de Saint Sylvestre, la fête y bas son plein. Il cherche du regard les entrées habituelles du métro. Rien. L’inquiétude commence à refaire surface. Et si finalement ce n’était pas un bal. Il a traversé la place en direction de Pigalle. Il s’arrête. Il se retourne. Scrute de nouveau la lanterne. Il recherche la lumière. Il recherche la vérité. Les rayons jaunes qui jaillissent du lampadaire continuent leur étrange danse. Il en est sûr désormais. Il le réalise. Il se rappelle le premier lampadaire de la soirée. Celui de Guy Moquet. Lui aussi était bizarre. Là-bas aussi les stations de métro n’existaient plus. La petite flamme brulant le gaz de la lanterne danse toujours. Elle le nargue. Soudain il reprend l’intégralité de ses moyens. Il sort de l’hypnose de la flamme. Le son lui revient entièrement. « Non de Dieu ! Mais merde, c’est de l’éclairage à Gaz ! Des tramways à cheval, un allumeur de lanterne, mais putain, c’est vraiment 1901 ».

 

Il marche vers Pigalle. « C’est à côté on verra bien ! ». Il réalise maintenant beaucoup de chose. Mais il veut en avoir le cœur net. « Si c’est pareil là-bas, ben… ». Il marche en évitant de réfléchir. Il regarde loin devant. Essaye d’apercevoir la place Pigalle. Toujours la même ambiance. Plus il s’approche plus il redoute la sentence. Il arrive sur la place. Rien à voir avec celle qu’il connaît. La fontaine qu’il reconnaît est entourée d’herbe, d’arbres et de buissons. Loin très loin du goudron du trottoir actuel. Son obsession reprend. Il cherche à nouveau une bouche de métro qu’il ne trouve pas. Il s’assoit sous une lanterne de la place. Le trottoir est bizarrement plus haut qu’a son habitude. Une hippomobile passe. « Bon je suis bien en 1901 ! ». Son sang froid en est presque troublant. Il ne doute plus. Il s’étonne juste. Tout prend forme. Les rues pavées, les vielles enseignes, la vitrine en verre fébrile, l’absence de réseau, de GPS, et le décor plus vrai que nature.  « Putain mais dans quelle merde je suis ! ».

 

Il marche désormais vers le centre de Paris. Il laisse derrière lui Pigalle. La peur lui st revenue. Il se souvient de ses recherches Wikipédia sur le quartier de Pigalle aux années chaudes. La pègre, les truands, les règlements de comptes, les souteneurs, la prostitution. Il est d’ailleurs arrêté par une demoiselle. Elle est charmante. Brune. Les yeux bleus vert qui brillent sous la lumière d’un pas de porte. Elle paraît vulnérable. Timide. Il lui sourit. Elle l’interpelle. « Tout va bien pour toi ? ». Il s’arrête. Il la contemple. Son air fragile le touche. « Ben oui et toi ? On dirait que ça ne va pas ? ». Elle le fixe droit dans les yeux. Une larme coule sur sa joue. Elle se jette contre lui en murmurant. « Emmène-moi loin d’ici, vite! ». Il la sert naturellement contre lui. Lui prend la main et continue son chemin. Un pas plus loin il lève les yeux vers le fond de la rue. Tous les 5 mètres, une femme attend sur le trottoir. Il regarde sa compagne. Il réalise qu’il est en train de partir avec une prostituée. Son souteneur ne va pas tarder. Elle est si jeune. Elle doit à peine avoir 20 ans. Son cœur s’accélère. « Mais qu’est ce que je suis en train de foutre ». Il relâche lâchement la main de la demoiselle. Elle s’accroche. Elle ne partira pas. Il accélère. Des cris sont poussés. L’alerte est donnée. « Vite dépêche toi sinon ils vont me prendre ». Des sueurs froides le prennent. Il à peur. « En quelle année sommes-nous ? » « Quoi ? »  « En quelle année sommes-nous ? » « En 1901 pourquoi ? ». Plus de doute possible. Il est en train de libérer une prostituée en 1901. « C’est surréaliste, je deviens fou ! ». Ils courent désormais. Des hommes les poursuivent. Ils détalent à toutes jambes.  Le bout de la rue approche. Des hommes surgissent pour fermer l’issue. La fuite est vaine. « Si on est vraiment en 1901, je crains putain de rien je suis pas né ». Il s’arrête. Prend la demoiselle dans ses bras. Elle l’embrasse. Le temps semble s’arrêter.

 

La rue est vide. Les prostituées ont disparu. La jeune femme aussi. Il est allongé sur le pavé. Sa tête lui fait de nouveau mal. Son épaule aussi. Il tente de se redresser. Rien à faire. Il s’appuie sur l’autre bras. Se met à genoux. C’est l’autre côté de son crane qui est douloureux. « Putain mais qu’est ce qui s’est encore passé ». Son visage le lance. Il se touche la lèvre. Elle est en sang. Il l’essuie avec le mouchoir de son gilet. Son épaule droite lui fait toujours mal. Il se remet sur pied. Du sang coule au bout de ses doigts. Il repousse sa redingote. « Putain mais c’est une balle ! Je me suis fait tirer dessus ! ». La douleur devient vraiment forte. Il s’appuie contre un mur. Reprend son souffle. Il n’a pas le choix. Plus de choix. Il faut faire enlever cette balle. Finalement il est vulnérable, même en 1901. « C’est tout sauf un rêve cette merde de délire ». Il souffre. Il marche difficilement jusqu’au bout de la rue. Rue Jean-Baptiste Pigalle. Il lui faut de l’aide. Il continue difficilement sa descente vers le entre ville. Il regarde l’heure. « 5h15 mais putain je suis resté presque une heure par terre ». Il pense au sang qu’il à du perdre. Il lutte. Croisement avec la rue Fontaine. Il se repose sur un banc. L’éclairage public faiblit. Il a froid. Faim. Peur. Mal. L’année commence mal. « De toute façon c’est pas mon année moi je passe en 2011 ».

 

« 2011 voyons-voir ça ! Et Puis quoi encore ? Pourquoi pas marcher sur la Lune ! »  

Un homme sort d’une entrée d’immeuble.     

Ariabat...

Publié dans Fiction

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